La voie de fait est arrivée en France à la suite d’un arrêt rendu par le Tribunal des Conflits, dans sa décision Action française, rendue en 1935.
Faits et procédures : Il s’agit d’un groupe royaliste, qui généralement se fait interdire par l’Etat, du fait de l’Organisation de ratonnades. Action française est un journal quotidien. Le préfet souhaite l’interdire, cette interdiction aboutit mais dans le sens où l’on va tout faire pour éviter que la vente de ce journal soit possible, Action Française agit donc en justice en invoquant la voie de fait notamment car on estime qu’il y a atteinte au droit de propriété (aller faire la saisi du journal de partout c’est irrégulier).
Le tribunal des conflits estime que la voie de fait permet au juge administratif d’échapper à cette compétence. C’est le juge judiciaire qui va prendre cette compétence.
Portée : L’administration, dès lors qu’elle s’éloigne de sa mission d’intérêt général, doit être privée de son ‘immunité’ et ainsi être considérée comme un particulier, imposant la compétence du juge judiciaire.
Au début du XXIe siècle, le Tribunal des conflits, dans un arrêt du 23 octobre 2000, M. Boussadar contre Ministre des affaires étrangères, estime qu’ « il n’y a voie de fait justifiant, par exception au principe de séparation des autorités administratives et judiciaires, que dans la mesure où l’administration, soit a procédé à l’exécution forcée, dans des conditions irrégulières, d’une décision, même régulière, portant atteinte grave au droit de propriété ou à une liberté fondamentale, soit a pris une décision ayant l’un ou l’autre de ces effets à la condition toutefois que cette dernière décision soit elle-même manifestement insusceptible d’être rattachée à un pouvoir appartenant à l’autorité administrative« .
Le tribunal des conflits fait donc une distinction entre la voie de fait juridique et la voie de fait matérielle. La voie de fait n’est constituée que s’il y a, de la part de l’Administration une atteinte grave au droit de propriété ou à une liberté fondamentale.
L’arrêt Bergoend, rendu en 2013 par le Tribunal des conflits revient sur ces deux critères.
Faits et procédures : M. Bergoend a acquis, en 1990, une parcelle sur laquelle une société avait implanté un poteau sans se conformer à une procédure prévue par un décret et sans conclure de convention avec lui. M. Bergoend saisit les juridictions judiciaires qui se déclarent incompétentes pour connaitre de cette affaire. Un pourvoi est formé devant la Cour de cassation qui a renvoyé l’affaire devant le Tribunal des conflits.
Le tribunal des conflits redéfini la notion de voie de fait. En vertu de la jurisprudence, le juge judiciaire était compétent pour juger d’une affaire en cas d’atteinte grave à une liberté fondamentale ou au droit de propriété provoquée par une décision administrative manifestement en dehors de son pouvoir ou encore en cas d’exécution forcée d’une décision, même légale, lorsque l’administration n’avait manifestement pas le pouvoir d’y procéder.
Portée = Il n’y a voie de fait que dans deux hypothèses :
– Lorsque l’administration a procédé à l’exécution, dans des conditions irrégulières, portant atteinte à la liberté individuelle ou aboutissant à l’extinction d’un droit de propriété.
– Lorsque l’administration a pris une décision qui a les mêmes effets d’atteinte à la liberté individuelle ou d’extinction d’un droit de propriété et qui est manifestement insusceptible d’être rattachée à un pouvoir appartenant à l’autorité administrative.
= le champ de la voie de fait a été réduit ce qui la rend plus difficilement applicable.